Des académies internes aux entreprises pour contrer la pénurie

Face à la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, certains employeurs abandonnent leur position attentiste au profit de la création d’académies en interne. Leur but? Former elles-mêmes les talents qu’elles ne parviennent pas à dénicher sur le marché de l’emploi.

Le même refrain tourne en boucle depuis plusieurs années/: les profils techniques manquent à l’appel sur le marché de l’emploi. Face à la difficulté grandissante, et surtout persistante, de dénicher techniciens, électriciens et autres mécaniciens, certaines entreprises saisissent la balle au bond. Plutôt que d’attendre indéfiniment la main-d’œuvre qualifiée, elles ont décidé elles-mêmes de la former. Comment/? En créant en interne leur propre académie, à l’image par exemple de l’Engie Academy, créée il y a maintenant presque un an.

«En adoptant cette solution, on veut aussi se positionner en partenaire de ce que vivent les écoles techniques et professionnelles, dont les filières sont encore trop souvent désertées», estime Eddy Noben, directeur de l’Engie Academy. «Nous sommes convaincus que l’apprentissage ne se fera plus, à l’avenir, que par la seule organisation que sont les établissements scolaires. Il faut oublier le comportement parfois un peu prétentieux que les employeurs ont eu par le passé vis-à-vis des écoles. Il est indispensable que nous endossions aussi une part de responsabilité pour améliorer cette situation.»

«On ne veut pas faire ce que d’autres font mieux»

Concrètement, avec cette académie, Engie établit en fonction de ses besoins des formations de trois à six mois, accessibles aux demandeurs d’emploi. A la clé, en cas de réussite/: la garantie d’un poste. Mais pas question pour autant d’essaimer aux quatre coins de la Belgique des locaux estampillés «Engie Academy». «On crée des formations qui répondent à nos attentes et nos besoins, mais notre ambition n’a jamais été de faire ce que d’autres font mieux que nous», précise Eddy Noben. «C’est la raison pour laquelle nous travaillons en partenariat avec de nombreux centres de compétences mais aussi avec le Forem, le VDAB ou Actiris. Nous identifions nos besoins en fonction des zones géographiques de manière à voir ce que chacun peut apporter à la formation.»

Une entreprise apprenante

Des dizaines de profils techniques ont été formés cette année grâce à des opérations telles que «COT – Create our technicians», menée par l’Engie Academy. Des formations en alternance, sur le terrain, pour lesquelles il est encore un peu tôt pour tirer des conclusions. «L’Engie Academy a été lancée dans le contexte difficile de la crise sanitaire, c’est donc compliqué de savoir si elle a déjà porté ses fruits», confie son directeur. «Il va falloir qu’on se penche sur son coût et son efficience. Mais une chose est sûre: cette organisation nous a permis d’être extrêmement réactifs en interne lors de l’arrêt de certaines de nos activités pendant les confinements successifs. Nos travailleurs actifs à l’aéroport, par exemple, ont très vite pu être réorientés vers des formations et de nouveaux métiers. C’est donc de bon augure quand on sait à quel point certains postes deviennent aujourd’hui rapidement obsolètes et que des reconversions professionnelles doivent parfois être envisagées par les membres de notre personnel.»

En adoptant cette démarche proactive, Engie ambitionne de s’ériger en société apprenante où l’apprentissage et la formation font partie intégrante du quotidien de la vie de l’entreprise. Quitte parfois, même, à former des talents utiles à la concurrence… «La fuite de nos talents fraîchement formés vers nos concurrents est un risque, mais c’est un risque calculé», estime Eddy Noben. «C’est peut-être le prix à payer pour solutionner cette situation de pénurie sur le marché de l’emploi. Et puis, c’est à nous aussi en tant qu’employeur de leur donner toutes les raisons de rester parmi nous.»

Pour le directeur de l’Engie Academy, la concurrence entre employeurs telle qu’on a pu la connaître par le passé serait révolue sur certains points. A ses yeux, ce n’est qu’en mutualisant certains moyens que les entreprises entre elles, avec le concours des écoles, des centres de compétences et des services d’aide à l’emploi, pourront renverser la vapeur de la pénurie de main-d’œuvre, au profit de toutes les parties prenantes.